Difficile pour une formation
anonyme de tirer son épingle du jeu lors d’une année remplie de sorties toutes
plus excellentes les unes que les autres. Pourtant, les chuchoteurs de
Fluisteraars arrivèrent néanmoins à faire parler d’eux en 2014 : en
témoignent de nombreuses critiques favorables qu’on peut retrouver sur la
toile, toutes convaincues par les répétitions hypnotiques du Black Metal de ces
fiers Hollandais.
Quelques mois
après la sortie de « Dromers » (« rêveurs »), c’est la
surprise : Fluisteraars a déjà fini
d’enregistrer un successeur, ce dernier étant juste en attente de mixage. C’est
le 25 septembre 2015 que sort « Luwte », encore une fois chez
Eisenwald, petite maison de disque ayant toutefois vu défiler nombre de groupes
de Black Metal aux orientations variées, des marécages de Fen à la dépression
d’Austere, en passant par les forêts mystiques d’Agalloch.
« Luwte » : une
place à l’abri du vent. Un espace de réflexion et d’expression pourtant
chamboulé de l’intérieur par les bourrasques violentes, haineuses et
désemparées d’un trio semblant au bord du gouffre. Car si le Black Metal des
chuchoteurs fait bien partie d’une mouvance axée sur la mélodie et une
lisibilité accrue du résultat final, les riffs pour le moins frénétiques ne font
aucun doute : la musique du trio est dominée par la nervosité et les
tempêtes personnelles. De ce riffing on retiendra une part de Drudkh, néanmoins
en plus racé et moins statique, ancré dans cette envie cathartique du trio
d’extérioriser la détresse et la tristesse qui les occupent. « Tout ce qui
rien ne contient », « Le dernier répit », « La peur de
l’angoisse », autant de titres révélateurs d’un profond mal-être
accaparant les esprits des Hollandais, répétant les trémolos mélodiques et
tristounets comme un mantra qui les libérerait d’une anxiété maladive ; cette
fois-ci sans par contre devenir trop redondant, même lorsqu’un riff se réitère
inlassablement pendant 1 ou 2 minutes (« Stille Wateren »,
« Alles Wat Niets Omvat »), faisant écho à d’autres formations ayant
réussi aussi le pari des répétitions hypnotiques.
Mais Fluisteraars serait un peu
moins Fluisteraars sans ses mélancoliques interludes et passages
atmosphériques, véritables régals pour les amateurs d’un Black Metal très
introspectif. Si « Dromers » souffrait parfois de certaines longueurs
lors de ces passages (notamment « De Doornen »), « Luwte »
corrige le tir et présente une version soignée, plus prenante de ce qui aurait
pu se trouver auparavant chez les Hollandais : une fin de piste acoustique
accompagnée cette fois-ci par un feedback sale et presque Drone, une interlude mélodique
joliment appuyée par cette basse discrète mais indispensable, une autre
accompagnée d’une guitare acoustique ; Fluisteraars varie la construction
sonique de son monument à l’angoisse avec soin et classe, sans éprouver le
besoin inutile de trop faire pour paraître original à tout prix. Ce qui au
final est un peu à l’image de la prestation vocale du chanteur : efficace,
discrète et presque anonyme, laissant les riffs et ambiances parler d’eux-mêmes
afin d’accompagner l’auditeur dans cet espace tumultueux, abrité du vent mais à
la merci de ses propres démons.
Thématiquement et musicalement
restant dans la même veine que « Dromers », « Luwte »
parvient néanmoins à surpasser son prédécesseur sans problèmes aucuns, le
groupe ayant compris que seules des répétitions lancinantes ne pouvaient pas
suffisamment rassasier les amateurs du premier opus pendant 44 minutes, soit 9
en plus que sur « Dromers ». Plus varié, plus convaincant, mieux
produit, « Luwte » est l’exemple même d’un (Post-)Black Metal
Atmosphérique terriblement efficace, hypnotique, à la fois extrêmement beau et
glaçant.
Lapin
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