jeudi 5 novembre 2015

Chronique : Vhöl - Deeper Than Sky



Triste de ne plus officier que dans une seule formation après le split du groupe de Post-Black Ludicra, John Cobbett (toujours gratteux chez Hammers of Misfortune) s’entourait il y a 2 ans de quelques personnalités du milieu Metal pour relancer un projet « dans la veine de Discharge et avec des riffs de Judas Priest ». Ayant rappelé son bon pote Aesop Dekker, ex-batteur de Ludicra et officiant chez Agalloch ; ainsi que Mike Scheidt, le vocaliste talentueux de Yob à la voix si caractéristique, Cobbett lance Vhöl fin 2012 et en termine le line-up avec sa femme, Sigrid Sheie, à la basse. Supergroupe ? Vous avez dit supergroupe ? 

C’est vrai qu’avec un line-up pareil, on pouvait espérer s’attendre à une musique intéressante, et le combo américain n’a pas déçu avec le premier jet sorti chez Profound Lore en 2013 : Vhöl balançait un hybride entre Black illuminé aux leads hétéroclites qu’on pourrait aisément qualifier de « cosmiques », et d’un Speed Metal burné à l’énergie bien Punk. Primal, puissant, tout en gardant une énergie très psychédélique, voire extraterrestre, avec des breaks atmosphériques teintés d’Ambient et des compositions dominées par la voix illuminée et très aigue du sieur Scheidt. Autant dire qu’après une telle surprise, j’attendais le successeur de l’éponyme avec impatience.

Démarrant sur les chapeaux de roues, Deeper Than Sky pose d’entrée la différence majeure avec Vhöl : moins de Black, l’album se veut plus axé Speed/Thrash. Dès les premières secondes, les riffs et soli de l’intraitable John Cobbett défilent dans un style très Thrash pour se faire ensuite accompagner par la voix toujours aussi reconnaissable de Mike Scheidt. Le refrain arrivé, l’auditeur peut tout de même se rassurer en se disant que tout ce qui faisait un excellent album du précédent est toujours présent ici, quoiqu’en dose plus subtile : les arpèges cosmiques du prérefrain dominées par les cris illuminés de Scheidt ne trompent pas.

Cependant, comme dit plus haut, le côté psychédélique des compositions s’est un peu estompé et prend moins de place. C’est plutôt évident sur « 3AM », la piste la plus Punk du disque, « Deeper Than Sky » et son riffing Thrash très véloce et même assez technique, ou encore « Red Chaos », véritable rouleau compresseur au refrain extrêmement addictif et dont la double grosse caisse se fait un plaisir d’accompagner les riffs étouffés bien nerveux. L’essence Black du premier album perd aussi un peu de consistance, revenant comme sur « Lightless Sun », « The Tomb » (toutes deux en fin d’album), ou lors de blasts plus épars.  Malgré ce manque, l’ambiance très sci-fi illuminée du premier album persiste.  On peut par exemple citer la chanson-titre et son long break envoûtant, entre Ambient cosmique et Post-Rock, dont une flûte dissonante vient compléter les cris désarticulés de Scheidt en proie au vide de l’espace infini. « Lightless Sun », piste la plus Black et la plus proche du premier album, est elle aussi délicieusement ambiancée, et je ne peux résister de parler de cet instant magique lors duquel la batterie blaste sur des arpèges acoustiques de la guitare pour un rendu assez fabuleux du vide intersidéral. On notera aussi la volonté du groupe de toujours vouloir faire transpirer ce côté bariolé de la science-fiction par les superpositions de plusieurs pistes vocales de Scheidt afin de donner un air grandiose et théâtral aux morceaux (le break de « Red Chaos » est absolument génial), ou de nombreuses petites pauses acoustiques entre les assauts des riffs véloces pour rééquilibrer l’ambiance.

Si les atmosphères se font plus subtiles, Deeper Than Sky gagne par contre une dose non-négligeable de fun à l’ancienne. Tous les riffs transpirent ce glorieux Speed/Thrash infusé d’une énergie Punk (en vrac) des années 80 et, contrairement au premier opus, John Cobbett se fait ici un malin plaisir à envoyer de nombreux soli très typiques dans les oreilles de l’auditeur, toujours dans une veine assez bigarrée et un peu excessive (dans le bon sens du terme) qui renforce le côté théâtral de la galette. Impossible aussi de parler d’amusement sans évoquer « Paino », à la faute intentionnelle, mettant en scène un piano martelé avec force par Sigrid Sheie et uniquement accompagné de sa basse vrombissante et de la batterie. Véritable moment phare de l’album, c’est un peu la « Cantina Song » de la bande à Cobbett : une piste addictive et ultra sympathique comme bande-son d’un saloon se voulant repaire de brigands de l’espace.

Grosse amélioration par rapport au premier opus, c’est la production 5 étoiles que nous a concocté le guitariste en chef. Tous les instruments sont à leur place, en commençant par les guitares très tranchantes, acérées et dont les soli transpercent vraiment les cieux. C’est aussi un réel plaisir d’écouter la superbe basse de Sheie : sachant toujours se faire entendre, elle occupe une espace considérable dans le spectre sonore et se permettant quelques petites folies comme sur « Paino », le solo au milieu de « Red Chaos » et différents breaks plutôt délectables, avec un son très gras et distordu mais à la clarté exemplaire.  Aesop Dekker n’est pas en reste et bénéficie d’un traitement très carré pour sa batterie qu’il se fait un plaisir de marteler dans un exercice de style beaucoup moins subtil en apparence que chez Agalloch mais dont la maîtrise est évidente ; du Thrash plus basique à la double basse furieuse de « Red Chaos » et en passant par les blasts de fin d’album. Quant à la voix de Mike Scheidt, elle supplante tout ce joyeux bordel avec aisance et versatilité. Qu’elle s’essaie aux chœurs bourrés d’échos ou au cris Thrash plus bourrus, elle parvient toujours à convaincre. Les fans du bonhomme seront aussi comblés, sachant que ses aigus si particuliers qu’on admirait déjà dans Yob occupent une bonne partie du disque.

Au fil des écoutes et après une relative incompréhension de ne pas retrouver immédiatement ce qui faisait de Vhöl un grand album, force est de constater que de Deeper Than Sky est une mutation réussie d’un groupe qui ne se contente pas de ressortir les mêmes compositions sous un nouveau nom. Perdant un peu du côté Black mais gagnant en Thrash et distillant ses ambiances avec plus de parcimonie, Vhöl signe un opus mature et complet, pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment leur Metal original, empreint d’une nostalgie respectueuse mais regardant toujours en avant.

Lapin

 


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