Triste de ne plus officier que
dans une seule formation après le split du groupe de Post-Black Ludicra, John
Cobbett (toujours gratteux chez Hammers of Misfortune) s’entourait il y a 2 ans
de quelques personnalités du milieu Metal pour relancer un projet « dans
la veine de Discharge et avec des riffs de Judas Priest ». Ayant rappelé
son bon pote Aesop Dekker, ex-batteur de Ludicra et officiant chez
Agalloch ; ainsi que Mike Scheidt, le vocaliste talentueux de Yob à la
voix si caractéristique, Cobbett lance Vhöl fin 2012 et en termine le line-up
avec sa femme, Sigrid Sheie, à la basse. Supergroupe ? Vous avez dit
supergroupe ?
C’est vrai qu’avec un line-up
pareil, on pouvait espérer s’attendre à une musique intéressante, et le combo
américain n’a pas déçu avec le premier jet sorti chez Profound Lore en 2013 : Vhöl balançait un hybride entre Black illuminé aux leads
hétéroclites qu’on pourrait aisément qualifier de « cosmiques », et d’un
Speed Metal burné à l’énergie bien Punk. Primal, puissant, tout en gardant une
énergie très psychédélique, voire extraterrestre, avec des breaks
atmosphériques teintés d’Ambient et des compositions dominées par la voix
illuminée et très aigue du sieur Scheidt. Autant dire qu’après une telle
surprise, j’attendais le successeur de l’éponyme avec impatience.
Démarrant sur les chapeaux de
roues, Deeper Than Sky pose d’entrée la différence majeure avec Vhöl : moins de Black, l’album se veut plus axé
Speed/Thrash. Dès les premières secondes, les riffs et soli de l’intraitable
John Cobbett défilent dans un style très Thrash pour se faire ensuite
accompagner par la voix toujours aussi reconnaissable de Mike Scheidt. Le
refrain arrivé, l’auditeur peut tout de même se rassurer en se disant que tout
ce qui faisait un excellent album du précédent est toujours présent ici,
quoiqu’en dose plus subtile : les arpèges cosmiques du prérefrain dominées
par les cris illuminés de Scheidt ne trompent pas.
Cependant, comme dit plus haut,
le côté psychédélique des compositions s’est un peu estompé et prend moins de
place. C’est plutôt évident sur « 3AM », la piste la plus Punk du
disque, « Deeper Than Sky » et son riffing Thrash très véloce et même
assez technique, ou encore « Red Chaos », véritable rouleau
compresseur au refrain extrêmement addictif et dont la double grosse caisse se
fait un plaisir d’accompagner les riffs étouffés bien nerveux. L’essence Black
du premier album perd aussi un peu de consistance, revenant comme sur
« Lightless Sun », « The Tomb » (toutes deux en fin
d’album), ou lors de blasts plus épars.
Malgré ce manque, l’ambiance très sci-fi illuminée du premier album
persiste. On peut par exemple citer la
chanson-titre et son long break envoûtant, entre Ambient cosmique et Post-Rock,
dont une flûte dissonante vient compléter les cris désarticulés de Scheidt en
proie au vide de l’espace infini. « Lightless Sun », piste la plus
Black et la plus proche du premier album, est elle aussi délicieusement
ambiancée, et je ne peux résister de parler de cet instant magique lors duquel
la batterie blaste sur des arpèges acoustiques de la guitare pour un rendu
assez fabuleux du vide intersidéral. On notera aussi la volonté du groupe de
toujours vouloir faire transpirer ce côté bariolé de la science-fiction par les
superpositions de plusieurs pistes vocales de Scheidt afin de donner un air
grandiose et théâtral aux morceaux (le break de « Red Chaos » est
absolument génial), ou de nombreuses petites pauses acoustiques entre les
assauts des riffs véloces pour rééquilibrer l’ambiance.
Si les atmosphères se font plus
subtiles, Deeper Than Sky gagne par contre une dose
non-négligeable de fun à l’ancienne. Tous les riffs transpirent ce glorieux Speed/Thrash
infusé d’une énergie Punk (en vrac) des années 80 et, contrairement au premier
opus, John Cobbett se fait ici un malin plaisir à envoyer de nombreux soli très
typiques dans les oreilles de l’auditeur, toujours dans une veine assez
bigarrée et un peu excessive (dans le bon sens du terme) qui renforce le côté
théâtral de la galette. Impossible aussi de parler d’amusement sans évoquer
« Paino », à la faute intentionnelle, mettant en scène un piano
martelé avec force par Sigrid Sheie et uniquement accompagné de sa basse
vrombissante et de la batterie. Véritable moment phare de l’album, c’est un peu
la « Cantina Song » de la bande à Cobbett : une piste addictive
et ultra sympathique comme bande-son d’un saloon se voulant repaire de brigands
de l’espace.
Grosse amélioration par rapport
au premier opus, c’est la production 5 étoiles que nous a concocté le
guitariste en chef. Tous les instruments sont à leur place, en commençant par
les guitares très tranchantes, acérées et dont les soli transpercent vraiment
les cieux. C’est aussi un réel plaisir d’écouter la superbe basse de Sheie :
sachant toujours se faire entendre, elle occupe une espace considérable dans le
spectre sonore et se permettant quelques petites folies comme sur
« Paino », le solo au milieu de « Red Chaos » et différents
breaks plutôt délectables, avec un son très gras et distordu mais à la clarté
exemplaire. Aesop Dekker n’est pas en
reste et bénéficie d’un traitement très carré pour sa batterie qu’il se fait un
plaisir de marteler dans un exercice de style beaucoup moins subtil en
apparence que chez Agalloch mais dont la maîtrise est évidente ; du Thrash
plus basique à la double basse furieuse de « Red Chaos » et en
passant par les blasts de fin d’album. Quant à la voix de Mike Scheidt, elle
supplante tout ce joyeux bordel avec aisance et versatilité. Qu’elle s’essaie
aux chœurs bourrés d’échos ou au cris Thrash plus bourrus, elle parvient
toujours à convaincre. Les fans du bonhomme seront aussi comblés, sachant que
ses aigus si particuliers qu’on admirait déjà dans Yob occupent une bonne
partie du disque.
Au fil des écoutes et après une
relative incompréhension de ne pas retrouver immédiatement ce qui faisait de Vhöl un grand album, force
est de constater que de Deeper Than Sky est une mutation réussie
d’un groupe qui ne se contente pas de ressortir les mêmes compositions sous un
nouveau nom. Perdant un peu du côté Black mais gagnant en Thrash et distillant
ses ambiances avec plus de parcimonie, Vhöl signe un opus mature et complet,
pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment leur Metal original, empreint
d’une nostalgie respectueuse mais regardant toujours en avant.
Lapin
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